Portrait de chercheuse - Fabienne Favre Boivin
Fabienne Favre Boivin, professeure en Génie Civil, est convaincue que les enjeux environnementaux planétaires trouvent aussi des réponses concrètes au niveau local.
Après une formation gymnasiale classique – un parcours atypique qui lui offre «beaucoup de plaisir» dans la rédaction –, c’est à l’EPFL, dans le cadre de ses études en Génie Rural et Environnement, que Fabienne Favre découvre sa passion pour les sciences du sol. Issue de familles agricoles, elle est fascinée par les processus et les liens de causalité qu’on y retrouve.
Après un doctorat, diverses expériences et deux post-doctorats à l’étranger, elle fait une postulation spontanée auprès de la HEIA-FR. L’occasion d’intégrer la filière de Génie Civil se présente bientôt: «Il fallait consolider l’offre en environnement, et on m’a demandé de réorganiser cette partie du plan d’études. C’était un énorme défi, que de trouver le moyen de sensibiliser les étudiants aux questions d’environnement qu’ils rencontrent dans leur pratique: à l’époque – il y a plus de dix ans – ce n’était pas encore un thème de société.»
Une nouvelle voie s’ouvre alors. «Avant, je travaillais à l’échelle microscopique», explique-t-elle avec un sourire. «J’étudiais un atome qui se trouve dans la structure de l’argile – un constituant du sol – et l’influence de son état sur le fonctionnement chimique et physique de cette dernière.» En Génie Civil, on change d’échelle: «Et, tout naturellement, le thème de la protection des sols sur les chantiers s’est imposé. Les ingénieurs civils ont une grande responsabilité: il y a des lois à respecter pour la protection des sols, et il est aussi indispensable pour le bon fonctionnement du marché que tous les acteurs appliquent ces règles. Ici, on leur donne les connaissances nécessaires.»
«La protection des sols est le parent pauvre de la protection de l’environnement». Les moyens à disposition sont modestes par rapport à ceux qui sont alloués à la protection de l’eau ou de l’air, dont la pollution est plus tangible. Fabienne Favre souhaiterait s’y impliquer encore davantage avec son équipe: «L’OFEV s’appuie sur nos structures de recherche, au plus près des acteurs de la construction, pour faire vivre et progresser ces thèmes. Nous conduisons plusieurs projets.»
Et elle ajoute avec enthousiasme: «Je trouve beaucoup de sens dans mes projets, car ils répondent à des demandes pratiques. J’ai vraiment changé d’approche, en passant de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, et la HEIA-FR était le bon endroit pour le faire.» L’un de ses souhaits pour le futur est la création d’unités mixtes de recherche, sur le modèle du smart living lab: «Il faudrait mieux établir les liens et des transferts entre la recherche fondamentale, la recherche appliquée et les utilisateurs. Les hautes écoles peuvent jouer là un rôle de pivot important.»
Des argiles aux eaux usées?
Fabienne Favre contribue au développement – par exemple dans le cadre d’un projet européen Interreg – de techniques de traitement des eaux contre les micropolluants qui utilise les biochars, des charbons produits à partir de biomasse végétale. «Le travail avec les biochars fait appel à la chimie des interfaces, comme mes recherches sur l’argile. Au centre se trouvent toujours les propriétés d’absorption des surfaces.»
L’efficacité de certains biochars est similaire à celle des charbons actifs qui sont actuellement importés: il est donc pertinent de développer un nouveau marché local compétitif pour ces sous-produits de l’industrie du bois. Elle voudrait maintenant élargir ces développements aux échelles plus modestes des exploitations agricoles avec, en sus, des objectifs de protection du climat et des sols. «Dans la protection de l’environnement, aujourd’hui il y a des enjeux planétaires», souligne-t-elle, «mais je pense que beaucoup de solutions concrètes existent aussi au niveau local, notamment dans la préservation des ressources.»